Nous avons profité du calme de l’été pour parler de startups et de marketing numérique avec un bon ami (et expert en la matière), Edouard Truong de l’agence Cardigan.
Le marketing numérique (ou marketing digital) est toujours une source de fascination et de questions pour les startups. On croise fréquemment des startups qui ont une liste de tâches infinie en marketing numérique, mais qui n’avancent pas (ou très peu) sur leurs « vrais » objectifs marketing.
Le marketing numérique vient avec le défaut de ses qualités : c’est accessible et il y a tellement d’options que faire des choix devient difficile.
On parle de concepts de base : erreurs, stratégies, investissements, canaux, SEO, création publicitaire, médias sociaux et mesure de performance. Évidemment, comme dit Edouard le plus souvent, « ça dépend ».
Chaque cas d’entreprise est unique. Laissez les recettes aux blogues de bouffe.
Prenez nos réflexions comme points de départ pour challenger vos collègues ou fournisseurs. Les questions et réponses suivantes sont un condensé de réflexions de Edouard Truong (Cardigan) et François Royer Mireault (highlow).
Surinvestir dans une grosse infrastructure technologique. Sans savoir l’utiliser. Les startups vont parler à d’autres startups ou regarder des études de cas en technologie, et dire que ça leur correspond « Intercom, Hubspot, Google Ads, LinkedIn Ads ». Elles vont investir dans l’infrastructure sans regarder les coûts et sans penser au volet opérationnel.
Ne pas prévoir un budget média ou d’amplification. C’est mathématiquement impossible de faire croître une marque si le nécessaire n’est pas fait pour rejoindre une grande partie de notre cible. On voit souvent des startups investir des centaines de dollars par mois en création de contenu (ex. gestion de pages médias sociaux) avec aucun objectif de portée auprès de leur cible. Et on met ça sur l’autopilote. On ne regarde même pas si c’est bon ou bien fait. « La case est cochée, on publie sur les médias sociaux ».
Essayer de copier le modèle d’une autre startup dans une autre catégorie. En B2B, par exemple, le volume de clients potentiels est moins gros. On ne peut pas se fier au modèle de Casper (les matelas), et investir massivement en média dès le jour 1 si le marché est composé de 500 acheteurs sophistiqués qui ont des cycles d’achat de 18-24 mois.
Penser qu’une tactique de marketing numérique règle tout votre marketing. Votre stratégie marketing devra être composée d’un ensemble de tactiques qui sont cohérentes avec votre marché. Peut-être que vous devrez compléter vos campagnes d’acquisition numérique avec de la prospection (vente directe). Peut-être que votre stratégie SEO et médias sociaux fonctionnera bien avec une présence physique aux événements d’industrie.
Prendre pour acquis que l’acquisition de clients est une courbe linéaire. Il y a tellement de startups qui ont bien utilisé les médias numériques. On pense que si on acquiert un client au début pour 30 $ que les 100 000 prochains vont coûter 30 $.
Budget limité – on se concentre sur une partie du funnel de vente. Par exemple, si on peut commencer par du reciblage pour optimiser cette partie du funnel, c’est un bon point de départ. On capture de la demande existante qui est très près d’une conversion ou d’un premier appel avec notre entreprise. En d’autres mots, on essaie de « gagner » une partie du funnel critique, avant d’avoir assez de budget pour couvrir les autres.
Ressources limitées – on ne s’éparpille pas. On sait qu’on ne pourra pas être les no. 1 en animation de communauté, gestion d’une présence sur Twitter ou des forums, création de contenu en continu, etc. On concentre nos ressources sur quelques tactiques qu’on peut bien faire. On redouble sur nos forces. Si l’équipe est bonne en rédaction de contenu, on mise sur une stratégie autour de la rédaction : articles de blogue, SEO, médias sociaux, etc. Si l’équipe est excellente en vente, on mise sur une stratégie qui nous met en contact avec des clients : webinaires, événements, prospection courriel, etc.
C’est comme le product-market fit mais c’est le founder-marketing fit.
On essaie de tirer le maximum de chaque investissement. Il n’y a rien de mal à produire un bon article de blogue, le découper en 3-5 morceaux et le réutiliser pendant plusieurs semaines à travers vos médias sociaux et en prospection courriel. Pensez à des médias et des tactiques qui peuvent être davantage mis sur l’auto-pilote. C’est OK de produire 3 bonnes publicités LinkedIn et les utiliser dans une campagne d’une durée de 8 à 12 semaines. Oui, idéalement, on itère, on renouvelle, on produit, on reste actif. Mais peut-être que vous ne pouvez pas tout de suite faire comme l’entreprise de 50 employés qui fait 5 M $ de revenus récurrents annuels.
Ne regardez pas juste les conversions directes. Identifiez des soft conversions (par exemple des gens qui visitent votre page de Pricing sur le site web) pour aller chercher plus de volume qui vous permettra de faire un meilleur test. Il y a souvent une nuance entre ça marche et ça marche pas. Le frein est peut-être ailleurs au niveau du produit, du prix, etc. Surtout en B2B, vous ne générez pas des ventes directement d’une publicité ou d’un contenu. Il faut trouver quelque chose de moins direct pour voir si on a de la traction et que ce que l’on fait fonctionne.
Testez le parcours client de A à Z. Si vous déléguez la création de campagnes, prenez le rôle du client potentiel pour tester la qualité de votre stratégie. Lisez les publicités ou le contenu proposé à voix haute. Vérifiez les liens. Demandez-vous si l’offre (contenu, promotion) est assez bonne pour vous. Testez les liens et les pages de redirection sur votre téléphone, tablette et ordinateur. Tout va bien jusqu’à maintenant ? C’est facile de vous contacter à partir du site web ? Si je veux continuer à en savoir plus sur vous, j’ai des options. Mieux encore : demandez à un ami ou un collègue de le faire.
Comparez-vous à vous-même. L’objectif est d’avoir un test significatif si on veut comparer deux tactiques marketing. Par exemple, si vous investissez 1000 $ par mois avec un service de prospection en sous-traitance, vous pourrez tester en comparaison un canal numérique avec le même budget pour 3 mois et comparer le volume de leads, la qualité, etc. Attention : il faut regarder les chiffres absolus.
Un canal qui convertit à 10 % VS. 5 %, mais qui génère un faible volume (ex. une conversion ou une vente de plus par mois) n’est pas assurément meilleur.
Oui, ne copiez pas aveuglément les géants de votre industrie. Asana et Monday ne copient pas ce que SAP ou Microsoft font. Ils sont les challengers. Ils peuvent se permettre d’être plus arrogants et de jouer la carte du nouveau joueur. Leurs marques ne sont pas encore connues donc elles doivent se présenter et expliquer leur point de vue unique. Quand on est rendu au stade de la multinationale que tout le monde connaît, on peut acheter des placements à l’aéroport avec uniquement son nom. On rappelle aux gens qu’on existe et ça marche. Le rôle de la startup est de stimuler son industrie et de se tailler une place dans la tête des gens.
Le message est responsable de 50 % de l’efficacité marketing. Vous n’êtes pas obligé d’investir dans une production vidéo ou dans de la création publicitaire sophistiquée. Mais de grâce, prévoyez un budget pour de la bonne rédaction et du bon design. (Kantar, 2021)
Be clear, not clever. Assurez-vous que les gens comprennent qui parle, ce que vous faites ou ce que vous leur montrez.
Pas obligé d’être original ou drôle. Obligé d’être très clair.
Nommez ceux à qui vous vous adressez. Directement dans vos messages, rappelez aux gens qu’ils sont précisément concernés en utilisant leur titre. En B2B, on le voit fréquemment dans les contenus et publicités LinkedIn : Marketers; Head of Sales; CTOs.
Donnez-moi un aperçu de ce dont on parle ! Montrez le produit (capture d’écran, photo en action, vidéo) ou un aperçu du contenu (couverture, teaser). Surtout en B2B SaaS, 35 % des sites web ne le font pas bien (et ça leur coûte des ventes.)
Fait intéressant : on est tous les deux arrivés en marketing grâce au SEO. Salutations aux vétérans du SEO !
Oui, car c’est fondamentalement axé sur la connaissance de tes clients. Toutes les startups devraient être éduquées sur le SEO. La culture du SEO est de ramener le contenu et les communications à la base des problèmes et questions des gens (qu’ils vont chercher sur Google). C’est juste bon pour la culture d’entreprise, peu importe l’industrie. C’est une culture, une façon de penser qui est alignée avec la raison d’être du marketing : mieux connaître ses clients que la compétition.
Le SEO, c’est ta présence sur les moteurs de recherche. Donc la création de contenu SEO, ce n’est pas juste pour ceux en marketing. Les gens en produit et en vente peuvent y participer. Notamment en rendant des articles de support pour le produit. Les gens en relations de presse peuvent s’assurer qu’un communiqué de presse concernant une ronde de financement soit bien référencé comme un contenu public qui sera trouvé sur les moteurs de recherche.
La création de contenu reste l’avantage compétitif durable en SEO. Toutes les tactiques plus techniques (méta-données, etc.) peuvent être optimisées par des experts, mais le bon contenu ne se crée pas juste en payant. C’est plus facile de performer si on a du bon contenu mais que nos fondations techniques (méta, architecture du site web, etc.) ne sont pas parfaitement optimisées. L’inverse est difficile.
Le croisement entre le développement de produit et le marketing devient important. Ce n’est pas juste des articles de blogue, des pages d’accueil, des pages produits, des visuels et images. C’est aussi de penser comment notre produit peut générer du contenu pour les moteurs de recherche. Par exemple : un calculateur pour faire une tâche, un mini outil qui permet de résoudre un problème, un aperçu d’un outil gratuit, etc. Tout contenu de votre site web ou votre marque qui peut être repris par d’autres en ligne – ça donne de la visibilité et donc de la crédibilité en SEO.
p.s. Julien Brault de Hardbacon a partagé ses apprentissages concernant le SEO récemment. Il note l'importance d'investir tôt même si le canal peut prendre du temps à démontrer des résultats.
Il y a un avantage d’assurer une présence minimum. Ne serait-ce que pour prendre possession de vos plateformes et être facilement trouvable en ligne. Ou simplement donner le ton et envoyer les bons messages à vos employés, collaborateurs et investisseurs potentiels. Si vous êtes dans une industrie où vous avez 2 ou 3 gros clients par année, ce serait dommage qu’ils doutent de votre crédibilité parce qu’ils ne vous trouvent pas sur LinkedIn ou Google My Business.
Tout est question de trouver sa place. Dans toutes les industries, il y a une conversation en ligne. Elle est parfois dans des forums plus nichés, dans des commentaires Instagram ou en plein jour dans le fil d’actualité LinkedIn. Il y a probablement des gens de votre industrie qui donnent leur point de vue ou partagent du contenu concernant votre clientèle, leurs besoins et problèmes. L’idée n’est pas d’engager son neveu pour faire des TikToks ou des Facebook Live, mais davantage de se demander : pour mes clients et partenaires potentiels, est-ce que je suis vu ou facilement trouvable sur les médias sociaux qu’ils utilisent ?
Parfois, c’est pour écouter. S’il n’y a pas de discussion publique et que ce n’est pas pertinent d’essayer de participer grâce à du contenu, vous pouvez les utiliser pour prendre le pouls de la compétition ou vous tenir à jour sur ce que les gens de l’industrie font.
Parfois, c’est juste pour de la pub. Les plateformes de médias sociaux sont aussi les plateformes publicitaires. Vous en aurez besoin pour éventuellement lancer des campagnes d’acquisition numérique. Que ce soit pour de la notoriété pure ou du lead generation, vous voudrez une présence minimum sur LinkedIn, Facebook, Instagram, Twitter, etc. Et vous voudrez avoir accumulé un minimum de données sur vos audiences potentielles (visiteurs du site web, abonnés, etc.).
Speaking of which…
Surtout en B2B, on recommande de mettre les pixels des principales plateformes. Google, Facebook, LinkedIn, Microsoft, Hubspot ou autre CRM. Même si on ne fait pas de publicité encore, car ils vont permettre d’avoir des insights sur nos audiences le jour qu’on les active. Entre autres, LinkedIn nous donne des statistiques sur l’audience (profil, type d’emploi, région) même si on n’investit pas en pub.
Le hic avec les pixels, ça peut ralentir le site web. Le choix du serveur et du CMS est plus important que le script de pixel. De plus, avec l’arrivée de nouvelles réglementations sur la gestion de la vie privée, il va certainement y avoir de nouvelles façons de collecter des données, mais il faut en profiter maintenant avant que ce ne soit plus possible.
On pourrait commencer avec quelques dollars par jour. Ça dépend de la plateforme. Dès le départ, il faut installer les pixels de reciblage, ça va augmenter la taille de ton audience. Au-dessus de 500 sur Facebook, c’est recommandé. Avec ça, on peut lancer des campagnes avec un budget minimum, et quand on atteint la taille critique, on pourra dépenser le budget. C’est quelque chose qu’on commence dès le départ. Après on travaille les campagnes d’acquisition qui vont alimenter les campagnes de reciblage. Même sans stratégie payante, il devrait avoir une stratégie de reciblage.
Oui, Google Analytics, c’est suffisant. Ça ne gère pas le lifetime value, c’est pas un CRM non plus ou un service pour gérer l’expérience client. Il faut créer le pont avec d’autres logiciels. La nouvelle version GA4, qui va être obligatoire en 2023, va nécessairement aider à aller plus loin.
Niveau KPIs, on commence avec visites et conversions. La base, c’est les visites mensuelles et les conversions ou soft conversions comme mentionnés plus tôt. Après, on suit ça intelligemment : si le taux de conversion diminue, est-ce que le trafic a augmenté ?
Ne sautez pas aux conclusions trop rapidement. Si vous analysez des petits volumes. « Si c’est rouge, on capote, si c’est vert, on dit wow ! » Laissez cette mentalité aux grandes entreprises.
Ensuite, on peut découper par canal. Et regarder les variations. Quel canal est responsable pour le plus de conversions par mois ? Est-ce qu’un canal a un bon taux de conversion, mais un faible volume de visites ? Est-ce qu’on peut l’alimenter davantage ? On fait attention de ne pas sauter aux conclusions trop vite ! Si on ne peut pas expliquer le pourquoi, c’est peut-être une variance normale.
Edouard
Même si on est sur un canal numérique, la qualité des détails se ressent. L’exécution est la clé. Ce n’est pas toujours qu’une question de budget. Il y a un aspect qualitatif. La livraison des promesses est importante. Il faut faire ressentir qu’on a réellement quelque chose à dire et à offrir et que l’équipe est présente (derrière l’écran) et motivée. Toutes les tactiques numériques peuvent être bonnes ou ne pas fonctionner. Ça dépend de l’offre. Si ça n’a pas été réfléchi pour être percutant ou si on ne sent pas que c’est fait avec passion, c’est encore plus facile à ignorer que dans le monde physique.
François
Une bonne règle de pouce est de penser en coût d’opportunité. J’ai grandi dans un monde numérique et ça a été ma carrière pendant plus de 10 ans. Mais ce n’est pas toujours ma première recommandation. Il faut garder la tête froide en marketing de startups et comparer nos options. Si tu investis 5000 $ pour la création d’une vidéo (que tu ne payes pas pour diffuser en publicité) et que tu rejoins 500 personnes avec, dont 50 prospects qualifiés, ça fait 100 $ par pitch de vente. Ce serait peut-être mieux d’aller à un événement et de parler directement à 50 personnes !